Déclaration de Nicosie (10/09/2025)
De la marge à la norme : intégrer l’accessibilité et la conception universelle à l’ensemble des programmes de l’enseignement supérieur
Dans un monde qui aspire à défendre les droits de l’homme, l’équité et la justice sociale, l’enseignement supérieur se doit d’être un vecteur de transformation inclusive. En 2025, des millions de personnes à travers l’Europe et au-delà demeurent mal desservies, voire exclues de services et d’environnements inaccessibles. L’échec de l’enseignement supérieur et des systèmes de développement professionnel à intégrer concrètement les principes de l’accessibilité et de la conception universelle au sein de leurs programmes, pédagogies et structures institutionnelles, se traduit par un manque de connaissances et de compétences élémentaires autour du handicap, de la conception universelle, de l’accessibilité et des technologies d’assistance, à l’échelle mondiale, pour nombre de professionnels et de scientifiques qui n’en mesurent pas l’importance pour assurer l’égalité des chances pour tous et toutes et créer des sociétés plus inclusives.
L’absence ou le caractère marginal des notions d’accessibilité et de conception universelle au sein des diverses disciplines ne limite pas seulement les chances des personnes en situation de handicap, mais entretient en outre un validisme systémique en renforçant les pratiques d’exclusion et la discrimination institutionnelle. Des études démontrent que même lorsque l’accessibilité et la conception universelle ou les technologies d’assistance sont inclues dans la définition et la transmission d’un programme de l’enseignement supérieur, elles sont trop souvent confinées aux secteurs techniques et considérées comme des aménagements facultatifs, plutôt que comme les composants intrinsèques de l’excellence universitaire, des droits de l’homme, et de la participation démocratique.
Cet état de choses nuit à la mise en application de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), de la Directive européenne sur l’accessibilité, des Objectifs de développement durable (SDG), et des engagements plus larges en faveur de l’éducation inclusive. C’est aussi une belle occasion manquée de cultiver des contextes d’apprentissage propres à refléter et célébrer la diversité, l’interdépendance et le potentiel de tous les apprenants.
Nous, soussignés et soussignées, appelons à une action immédiate, structurelle et coordonnée de la part de toutes les parties prenantes concernées en faveur de l’intégration de l’accessibilité, de la conception universelle et des technologies d’assistance au cœur des pratiques universitaires, de la définition des programmes, de la gouvernance institutionnelle, et des mécanismes de contrôle de la qualité.
Nous affirmons les priorités d’action et principes suivants :
- Reconnaître l’accessibilité, la conception universelle et les technologies d’assistance comme des impératifs répondant à un droit fondamental, et non comme des contenus facultatifs ou de simples considérations techniques, et les intégrer sous la forme de thèmes interdisciplinaires au sein de toutes les disciplines et de tous les niveaux universitaires.
- Réformer les cadres d’orientation nationaux et institutionnels afin d’inclure, pour les facultés, les créateurs et créatrices de programmes et les responsables d’établissements du supérieur, une formation obligatoire à l’intégration de l’accessibilité et de la conception universelle au sein des cursus, de manière à favoriser leur prise de conscience, leur familiarisation aux concepts élémentaires et/ou le développement de compétences plus approfondies, selon les disciplines – réforme sous-tendue par des mécanismes juridiques et financiers.
- Revoir les accréditations et les normes de contrôle de la qualité pour exiger l’intégration de l’accessibilité et de la conception universelle au développement des contenus, à la prestation de cours, à l’évaluation et aux objectifs d’apprentissage de tous les programmes, soit sous la forme d’une matière à part entière, soit comme une composante des matières, suivant les disciplines.
- Promouvoir l’interdisciplinarité et la collaboration intersectorielle entre les universités, les associations d’usagers, les organismes professionnels, et les experts et expertes de l’accessibilité, afin qu’elles co-conçoivent des programmes propres à enseigner l’accessibilité tout en adoptant des pédagogies et outils d’enseignement inclusifs.
- S’assurer de la participation de personnes en situation de handicap et des associations qui les représentent à tous les processus afférents à la définition des programmes, à leur mise en place et à leur évaluation.
- Développer et soutenir une communauté de pratique, des programmes de développement du personnel, et des plans de mobilité internationale propres à favoriser l’importance accordée à l’accessibilité et à la conception universelle dans les programmes de l’enseignement supérieur, toutes disciplines confondues.
- Encourager la création d’organes consultatifs nationaux sur l’accessibilité et la conception universelle au sein de l’enseignement supérieur, qui réunissent diverses parties prenantes (notamment des personnes en situation de handicap, l’industrie, des représentants et représentantes des étudiants, des universitaires externes, des experts et expertes en accessibilité, entre autres) et se chargent de proposer une orientation stratégique et d’assurer le suivi de progrès des programmes développés.
- Soutenir l’innovation pour des technologies respectueuses des principes de la conception universelle et favorables à un accès équitable aux services, produits et environnements numériques et physiques.
- Sensibiliser l’opinion publique et célébrer l’excellence au sein de sociétés accessibles par des récompenses, des financements de recherche, et la dissémination des bonnes pratiques.
- Encourager une transformation culturelle au sein d’un enseignement supérieur qui sache accorder toute son importance à la diversité, déconstruire les préjugés validistes et avancer vers la justice pour tous et toutes.
Les signataires de la présente déclaration s’engagent pour ces principes, et pour un travail collaboratif – international, intersectoriel et interdisciplinaire – afin de garantir que l’accessibilité, la conception universelle et les technologies d’assistance ne soient plus de simples considérations marginales, mais deviennent les piliers fondamentaux d’un enseignement supérieur inclusif, de haute qualité, et tourné vers l’avenir.
Nicosie, le 10 septembre 2025
Remerciements
La présente déclaration découle du travail du Projet ATHENA : https://athenaproject.eu/ co-financé par l’Union européenne.
Nous remercions tout particulièrement les Partenaires du projet : le Forum européen des personnes handicapées, Belgique (coordination) ; l’Université autonome de Barcelone, Espagne ; l’Université Muni Teiresias-Masaryk, République Tchèque ; l’Université Johannes Kepler, Autriche ; EURASHE ; l’Université européenne de Chypre ; ainsi que les Partenaires associées : l’International Association of Accessibility Professionals (IAAP EU) et l’Association for the Advancement of Assistive Technology in Europe (AAATE)
- Signez la déclaration de Nicosie (page en anglais)
Compteur: 87 persons / 26 organisations - Liste des personnes et organisations ayant signé la déclaration de Nicosie (page en anglais)
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